dimanche 6 novembre 2016

Le paquebot France

Le France est mis sur cale aux chantiers de l'Atlantique de Saint-Nazaire (issus de la fusion en 1955 des Ateliers et Chantiers de Saint Nazaire-Penhoët et des Ateliers et Chantiers de la Loire) le 7 octobre 1957 sur la cale n°1 à l'endroit même où avait été construit le Normandie.

Pas moins de 1300 ouvriers vont se charger de donner vie au paquebotr dessiné par Albert Lafont ingénieur des arts et métiers et igénieur du génie maritime et Jean Paul Ricard, ingénieur en chef de la Compagnie Générale Transatlantique.

La construction du navire devient la priorité du chantier qui obtient d'être déchargé de la construction du porte-avions Foch qui sera achevé à l'Arsenal de Brest.


 
Les derniers éléments du fond sont mis sur cale en janvier 1958. jusque là, la construction restait dans les méthodes de l'avant guerre mais bientôt on rentre dans la modernité puisque ce sont désormais des blocs de 30 à 80 tonnes qui sont directement soudés. A l'été 1959, l'essentiel de la coque est achevé même si il manque encore la proue qui ne pointe le bout de son nez qu'en novembre 1959.

 
Le lancement est un étape clé de la vie d'un navire. C'est comme une naissance, le moment où un simple assemblage de morceaux de métal devient navire en prennant contact avec son élément.
Ce jour si particulier, le France le connait le 11 mai 1960 quand Yvonne de Gaulle, épouse du président de la République, Charles de Gaulle, marraine du bâtiment coupe le ruban qui retient la bouteille de champagne qui en s'écrasant sur l'étrave donne le signal du lancement qui à lieu à 16h15 précise. Le France est pris en charge par six remorqueurs qui vont le conduire dans la Forme Joubert où il va être achevé.

Le 19 novembre 1961, le France fait ses adieux à son chantier constructeur, appareillant pour son port d'attache Le Havre. Il y arrive quatre jours plus tard, croisant son prédecesseur, le Liberté qui attend de partir pour le chantier de démolition.

Certes le 11 mai 1960, la cérémonie fût belle, le discours du président éloquant mais derrière cette euphorie pointe déjà une certaine inquiétude chez les plus lucides. L'année même où le France est lancé, Air France met en service ses premiers Boeing 707 sur la ligne Paris New York.

En fait, le dernier grand paquebot de la French Line est né cinq ans trop tard mais les années de retard (le projet était prêt dès 1953) n'ont pas été mis à profit pour repenser le projet qui aurait pu être adapté aussi pour la croisière. Dès 1966, l'avion fait jeu avec le paquebot et à partir de là, le combat est perdu d'avance.

Le dernier commandant du France, le commandant Christian Pettré le reconnaît en 1978 «France est né cinq ans trop tard. Sa conception commerciale était déjà désuete à sa mise en service. Hériter des grands paquebots de la ligne de New York, il en reprénait en bloc les avantages et les inconvénients. Et personne ne semblait avoir pensé que l'aviation était en plein essor».

Cela ne va pas empêcher le France d'être l'ambassadeur du bon goût français pendant douze années (1962-1974)







Le paquebot France arrive au Havre

 
Après une dernière série d'essais au large du Havre en décembre 1961, le paquebot est officiellement inauguré par le premier ministre, Michel Debré le 11 janvier 1962. Il est suivit d'un voyage inaugural au cours duquel 1705 passagers dont madame De Gaulle, marraine du bâtiment se rendirent jusqu'aux Canaries (19-27 janvier 1962), croisant dans le golfe de Gascogne le paquebot Liberté en route pour le chantier de démolition.
 
Le paquebot conçu pour la traversée Le Havre-Southampton-New York appareille pour cette ligne mythique pour la première fois le samedi 3 février 1962 avec 1958 passagers et 1044 hommes d'équipage.

Le quatrième jour, une terrible tempête permet au commandant Croisille (qui n'as pas vu une telle tempête depuis 25 ans) de vérifier l'aptitude du paquebot à supporter ces terribles conditions. Le France arrive à New York le 8 février et s'amarre au Pier 88, le quai terminal de la CGT après avoir été accueillit par les bâteaux pompes, les remorqueurs, les hélicoptères............. .


 
Le paquebot France à Hong Kong en 1974

Le premier tour du monde à pour thème le roman «le tour du monde en 80 jours» de Jules Verne qui voit 1984 passagers y participer (mais seulement 364 ferront la totalité de la croisière), le navire parcourir 45814 miles nautiques en 88 jours avec 24 escales soit successivement New York, Nassau, Trinidad, Rio de Janeiro, Port Stanley, Punta Arenas, Valparaiso, Talcahuano, Ile de Pâques, Tahiti, Suva, Nouméa, Port Moresby, Bali, Hong Kong, Singapour, Colombo, Bombay, Monbasa, Ile Maurice, Durban, Capetown, Luanda, Dakar, Cannes, Funchal et New York à nouveau.


 
La mutinerie. Le 11 septembre 1974 alors que le paquebot arrivé au large du Havre, les 989 marins sous la direction de Marcel Raulin ancien béret vert du Commando Kieffer qui débarqua à Riva Bella le 6 juin 1944 prend le contrôle du paquebot et ordonne au commandant Péttré de mouiller dans le chenal d'accès au port du Havre.

Le lendemain matin, les passagers sont évacués par le ferry Viking III, passagers compréhensifs du mouvement qui d'ailleurs entonnent avec les marins «Ce n'est qu'un au revoir».

Les marins du France espéraient faire plier le gouvernement et la compagnie en bloquant le port du Havre mais leur action échoue. Non seulement le port autonome balise un nouveau chenal dès le 12 septembre mais en plus le 14 septembre, la compagnie porte plainte pour occupation illégale du navire.




Le paquebot France au quai de l'oubli

Les derniers irréductibles mettent bas les armes le 7 décembre après 88 jours du conflit, le navire récupéré par la Transat quitte son quai habituel le 19 décembre dans l'indifférence générable pour gagner un endroit désert de la zone industrielle du Havre où il s'amarre le 21 décembre. Ce quai devient le quai de l'oubli.

40 hommes restent à bord pour la sécurité et l'entretien de l'ultime chaudière qui reste allumée pour fournir courant électrique et chauvage au jeune retraité (12 ans d'activité seulement). Cela coûte à la compagnie générale maritime près de 200000 francs par mois et le 29 avril 1975, la dernière chaudière est éteinte, six hommes restent à bord pour la sécurité et l'électricité vient de la terre.

Le 9 mai 1975, le France comme un défi à l'ingratitude des hommes rompt ses amarres comme si le paquebot voulait reprendre son destin en main mais il est sagement ramené au quai de l'oubli par les remorqueurs.

Différents projets de reconversion apparaissent : maison de retraite pour marins, navire-hôpital pour le Liban, école hôtellière itinérante mais aucun n'aboutit.

En novembre 1976, le paquebot franchit à nouveau l'écluse François 1er pour un passage au bassin dans la forme n°7 où ses hélices sont grattées. Il retourne ensuite au quai de l'oubli où il devient le symbole des conflits sociaux de l'époque.


Le Norway


Cet acheteur semble devoir être un milliardaire saoudien Akhram Ojjieh qui rachète l'ex-joyau de la Transat pour 80 millions de France le 24 octobre 1977. Son projet d'utilisation ne pouvant aboutir (NdA je n'ai pas trouvé d'informations sur ce projet, si quelqu'un à quelque chose, je suis prenneur), il le revend le 25 juin 1979 (pour 77 millions de francs) à Knut Kloster, patron de la Norwegian Caribean Line, petite compagnie de croisière qui possède déjà quatre petits paquebots. Qui dit changement de propriétaire dit aussi changement de nom, le France devenant le Norway.


Le nouveau propriétaire du navire décide de le transformer en bâtiment de croisière et confie les travaux à un chantier allemand, Hapag Lloyd de Bremerhaven au grand dam des havrais.


Le Norway quitte ainsi le quai de l'oubli le 18 août 1979 mais reste bloqué jusqu'au lendemain en raison du blocage de l'Ecluse François 1er. Cette dernière est dégagée le lendemain par les CRS et deux remorqueurs néerlandais prennent en charge le navire qui en quittant son ex-port d'attache salue de trois coups de sirène mais personne ne répond à l'exception du glas de l'Eglise Saint Joseph.


Le Norway arrive à Bremerhaven le 22 août 1979 et les travaux commencent aussitôt. L'armateur norvégien ne s'est pas lancé à l'aveuglette, les plans de transformation sont prêts depuis longtemps et les travaux gigantesques, travaux qui vont durer 32 semaines.

 

Norway à La Rochelle en 1998
 

Partie fachée en 1979, le navire revient au Havre le 10 septembre 1996 et cette fois les havrais lui réserve un accueil de rock-star jusqu'à son amarrage au quai qu'il n'avait pas occupé depuis 1974 et la célèbre mutinerie. Il reste 24h avant de gagner Southampton où il subit ces dernières transformations. Du 21 septembre au 1er octobre 2001, le Norway retrouve symboliquement le nom de France pour une croisière Le Havre-Le Verdon-Lisbonne-Gibraltar-Barcelone-Marseille.


Le Norway à Bremerhaven en 2004

A l'origine, la croisière de septembre-octobre 2001 devait être la dernière du paquebot avant son désarmement mais comme il est amorti depuis longtemps, NCL rachetée à l'époque par le groupe de croisière malaisien Star Cruise décide de le garder encore quelques années.

Le destin ne lui laissera pas le temps. Le 25 mai 2003, une chaudière du paquebot explose à Miami provoquant la mort de six marins phillipins. L'enquête ultérieure montrera que le sérieux de l'entretien c'était terriblement relâché depuis quelques années.

L'armateur ne croit pas à la mort de son joyau et décide de le remorquer à Bremerhaven pour le remotoriser. Il quitte Miami en remorque le 4 juillet 2003, arrivant à Bremerhaven à la mi-juillet et après près de six mois à quai, il gagne le chantier, croisant le dernier navire commandé par NCL, le Pride of America mais ce dernier est sérieusement endommagé par une tempête et le coût des travaux pousse NCL à choisir de préserver l'avenir au lieu du passé et d'abandonner la remise en état du paquebot.

Comme en 1974, les projets les plus incroyables se multiplie mais au délà de la mobilisation infructueuse de passionnés, le sort de l'ex-France indiffère la majorité des français prouvant encore une fois qu'Eric Tabarly avait raison «La mer pour un français c'est ce qu'il à dans le dos en vacances».

Le 15 mai 2005, le Norway est remorqué de Bremerhaven à Port Keland en Maliasie où il arrive le 10 août 2005.
Le Blue Lady échoué à Alang

Le 4 mai 2006, le Norway devenu le Blue Lady quitte la Malaisie pour la baie d'Alang où il doit être démoli. Il arrive le 15 août 2006 mais certains défenseurs du dernier grand paquebot français espère encore le sauver, Dubai parait-il projetant de le racheter pour l'utiliser dans un complexe immobilier et touristique mais ce projet n'aboutit pas (c'est le Queen Elisabeth 2 qui le remplacera) et le navire est démantelé dans une indifférence générale en France. Le démantelement s'est terminé courant 2009.

 Démantelement
 


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